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Cadre théorique

À propos de Richard Florida

Richard Florida (figure 1) agit en tant que directeur et professeur à l’école de gestion de l’Université de Toronto. D’origine américaine, celui-ci est titulaire d’un doctorat en planification urbaine de l’Université Columbia et a travaillé au sein de plusieurs établissements d’enseignement prestigieux tels que le MIT ou encore, l’Université Harvard. Au niveau de ses recherches, il est surtout connu pour avoir développé et popularisé la théorie de la classe créative.

Les fondements

La théorie de la classe créative s’inscrit dans un courant de pensée qui existait déjà en études urbaines et en réactualise plusieurs idées (Darchen et Tremblay, 2010). Entre autres, elle s’appuie sur les théories sociales de l’École de Chicago selon lesquelles le mode de vie urbain a une influence sur la personnalité des individus (Darchen et Tremblay, 2010). Aussi, elle s’inspire grandement des écrits de Jane Jacobs pour qui les centres-villes  étaient des berceaux de l’innovation du fait qu’ils abritaient une diversité populationnelle (Darchen et Tremblay, 2010; Florida, 2005). Finalement, d’autres auteurs avant Florida, tels que Ake E. Andersson, avaient déjà identifié des facteurs que les villes devaient réunir pour être des milieux favorables à l’innovation (Darchen et Tremblay, 2010).

L’idée centrale

Le principe à la base de la théorie est l’idée selon laquelle le moteur du développement économique, en contexte contemporain, est la concentration d’une certaine catégorie de professionnels, c’est-à-dire les créatifs (Darchen et Tremblay, 2010, Florida, 2005). En effet, selon Florida, cette classe créative constituerait un véritable moteur de croissance économique de par sa capacité à générer des innovations technologiques, de la richesse (notamment en fondant des entreprises) et à attirer les entreprises. De ce fait, la théorie émet qu’il est essentiel pour une ville d’attirer cette classe créative dans le but d’assurer sa prospérité. Ainsi, la thèse énonce que le développement économique des villes, voire des régions, est dépendant de la présence de la classe créative (figure 2) (Darchen et Tremblay, 2008). À partir de cette idée, Florida a établi des critères que les villes doivent s’efforcer de posséder pour attirer cette classe.

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Figure 3 // L'écosystème créatif // Source: Institut d’aménagement et d’urbanisme, 2015

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Figure 4 // Classe créative et l'autre classe // Source : http://martinprosperity.org/

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Figure 1 // Richard Florida // Source : www.forbes.com

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Figure 2 // Selon Florida, attirer la classe créative permettrait d'attirer les entreprises // Source: https://www.geekwire.com/

La recette à suivre : les critères

Les critères essentiels à privilégier pour toute ville désirant attirer les créatifs sont la tolérance et la diversité (Florida, 2005). Ces deux critères impliquent que les villes doivent être inclusives et ouvertes aux différentes ethnies, races, orientations sexuelles ou encore, modes de vie. Cela signifie aussi qu’elles doivent posséder de faibles barrières à l’entrée afin de faciliter l’établissement de nouveaux résidents aux parcours et origines variés (Florida, 2005). Ensuite, la ville dite créative, se doit d’offrir une abondance d’expériences de haute-qualité et répondant aux besoins de la classe créative (Florida, 2005). Plus précisément, Florida énonce que les créatifs recherchent des milieux offrant une qualité de vie élevée, des expériences quotidiennes riches et des endroits favorisant les interactions sociales. Ainsi, deux éléments s’avèrent essentiels pour Florida : l’importance de miser sur les activités de plein air et de se doter de commodités axées sur le mode de vie des créatifs (p. ex. restaurants, bars, cafés, marchés fermiers, activités ludiques, etc.) Aussi, l’auteur énonce l’importance de réduire l’étalement urbain, de promouvoir le développement durable, de reconvertir les sites industriels désaffectés, de favoriser une appropriation du littoral et finalement, d’assurer une accessibilité optimale au territoire (Florida, 2005). Par rapport à cette accessibilité, celle-ci passe par la multimodalité des transports, mais également par un système de transport en commun permettant l’accès efficace à la région dans laquelle s’insère la ville (Florida, 2005). La figure 3 illustre quelques critères à respecter pour créer un véritable écosystème créatif.

Qui sont les membres de la classe créative?

La classe créative de Florida est d’abord composée d’un noyau de professionnels qualifié de « super créatifs », lequel incluent les scientifiques (dont les ingénieurs, informaticiens et professeurs), les artistes (dont les écrivains, musiciens, peintres et acteurs), les designers, les architectes et autres grands penseurs et analystes (Florida, 2005). En plus de ce noyau, elle inclut les professionnels travaillant dans les secteurs dits innovateurs tels que le secteur juridique, de la haute technologie, de la finance, de la santé et des affaires (Florida, 2005). Ainsi, la classe créative se veut une classe élitiste, quoi qu’assez large.

Principales critiques

Loin de laisser indifférent, la théorie de la classe créative a été fortement critiquée. Parmi ses nombreuses critiques, Barchen et Tremblay (2010) en recensent trois principales.

 

Premièrement, la thèse serait une interprétation simplifiée de la croissance économique en milieu urbain. En effet, selon de nombreux auteurs, les données empiriques sont insuffisantes pour affirmer que le talent engendre la croissance et non l’inverse. En fait, Florida affirme qu’il y a un lien de causalité entre les deux éléments, ce que plusieurs auteurs réfutent (Barchen et Tremblay, 2010). Plutôt, la croissance économique serait le résultat de nombreux facteurs. Finalement, il ne serait pas juste d’affirmer que les villes puissent bénéficier économiquement de la présence de la classe créative, puisque ses membres auraient tendance à être très mobiles et attirés par les milieux offrant les meilleures possibilités (Barchen et Tremblay, 2010; Shearmur, 2010).

Deuxièmement, le fait que la classe créative souhaite résider dans les centres urbains serait un a priori discutable (Barchen et Tremblay, 2010). Par exemple, certains auteurs auraient identifié une nouvelle élite semblable à la classe créative qui préfèrerait la banlieue, laquelle offrirait l’espace nécessaire pour profiter de leur confort matériel (Brooks, 2002). De plus, le fait que certaines banlieues sans centralité, telles que San José en Californie, aient connu une croissance économique importante et fortement liée au secteur de la haute technologie implique que la théorie de Florida, seule, ne permet pas de tout expliquer (Barchen et Tremblay, 2010).

Troisièmement, plusieurs éléments de la méthodologie de Florida seraient tout aussi discutables. Avant tout, la définition même de la classe créative n’est pas claire, alors qu’elle constitue un élément central de la théorie (Barchen et Tremblay, 2010). En plus d’être floue, la définition inclut différentes catégories de professionnels dont les goûts, aspirations et habitudes sont probablement fort différents (Barchen et Tremblay, 2010). Également, sur le plan statistique, plusieurs résultats sont peu significatifs, voir arbitraires et ne permettent donc pas de tirer des conclusions quant aux corrélations avancées par Florida (Darchen et Tremblay, 2010; Vivant, 2010).

Finalement, d’un point de vue démocratique et idéologique, la théorie est très discutable. D’abord, même si la théorie était inattaquable sur le plan méthodologique, on est en droit de se demander s’il est acceptable d’orienter les politiques d’aménagement de manière à satisfaire les besoins d’une élite. Comme le souligne Shearmur (2010), la théorie de la classe créative ne prend pas du tout en compte « l’autre classe », soit le 60% et plus de la population considérée comme non créative (figure 4). Ensuite, la théorie insinue qu’attirer des créatifs aura pour effet de créer de la croissance économique et de bénéficier à tous. Or, comme le démontre l’écart croissant entre les plus riches et les plus pauvres au niveau mondial (OCDE, 2018), il est faux de penser que la croissance économique bénéfice à l’ensemble de la population. Même, les plus démunis sont souvent les premiers à subir les effets pervers de la croissance économique, comme le démontrent trop souvent les phénomènes d’embourgeoisement dans les quartiers centraux (Shearmur, 2010).   

Points forts de la théorie

Le succès important de la théorie est dû à de nombreux éléments. D’abord, le ton utilisé par Florida est très vendeur et facilement compréhensible. Ensuite, l’auteur profite d’une situation avantageuse, ce qui lui permet de promouvoir sa théorie. En effet, doctorant d’une université de la Ivy League, Florida a travaillé et travaille toujours au sein d’institutions prestigieuses, ce qui lui procure de la crédibilité. De plus, celui-ci organise de nombreuses conférences pour diffuser ses idées via sa compagnie Creative Class Group. Enfin et surtout, la théorie propose une stratégie de développement économique simple qui semble légitime, puisqu’elle reprend des idées de théories bien établies telles que la théorie du capital humain (Shearmur, 2010).

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